COMMENTAIRES DE Mme GENEVIEVE DE TERNANT
Film d’horreurs
Les films d’horreur ne sont pas toujours ceux que l’on croit. Je suis allée voir hier le film de J.P. Lledo intitulé : « Algérie, histoires à ne pas dire ». Avec réticence. Je n’avais pas oublié l’hommage à Henri Aleg du même cinéaste, qui m’est resté en travers de la gorge.
Tourné à Philippeville, Constantine, Alger et Oran sans parler de Tipasa, El-Halia et autres lieux, il donne la parole aux « témoins », plus acteurs que témoins, d’ailleurs, arabes des événements qu’on n’appelait pas encore guerre.
Et c’est l’horreur absolue : ces gens racontent comment ils ont tué, égorgé, brûlé, éventré, non seulement avec indifférence mais ils s’en font gloire, tout fiers de leurs sales exploits. C’est pourtant le seul aspect positif, à mon avis, de ce film : Les égorgeurs racontent publiquement ce que nous n’avons cessé de crier au monde qui ne nous croyait pas. Là, au moins, les gens ne pourront plus dire que nous fabulions.
Pour le reste : la glorification des P.N. alliés du FLN, la dénommée Katiba qui aurait bien mis une bombe chez « Tata Angèle », sa nounou, si on le lui avait ordonné, et la fameuse Louisette qui en a posé et ne regrette rien des femmes et des enfants morts et estropiés, le refrain imbécile sur les colons qui avaient des maisons en dur et les arabes non, bref la litanie stupide et méchante comme Hara Kiri, on a eu droit à tout !
Nos villes méconnaissables, les magasins fermés, à nous guérir à tout jamais de toute nostalgérie… Mais, en plus, les approximations historiques, la désinformation flagrante, les inversions chronologiques, tout, je vous dis, on a eu droit à tout !
Le cinéaste ayant pris le parti de ne guère intervenir que par deux petites fois, le ramage FLN a pu s’épanouir en toute tranquillité, même si, par deux fois, le terme « Génocide » anti européen fut employé. D’ailleurs, on ne dit pas « Européen » on dit « Gour » ou « Gouria », qui veut dire approximativement « infidèle », mâle ou femelle… Des êtres humains ? Non, du gibier à tuer sur ordre de « l’Organisation », le Djihad !
Une dame, outrée, a invectivé le cinéaste : Sa famille a été victime des ces glorieux sauvages ! Une autre dame, dans le public, a émis la crainte que ce film encourage les trublions de banlieux à imiter les égorgeurs, leurs pères ou grands-pères si fiers de leurs exploits. Ils sont déjà en bon chemin en battant à mort un père de famille, il n’y a pas si longtemps, en tabassant un jeune juif récemment, etc…
Je précise que je suis allée voir ce film parce qu’on en parlait beaucoup et que je juge de mon devoir de ne jamais parler d’un film que je n’ai pas vu ni d’un livre que je n’ai pas lu. J’ajoute que certains échos étaient favorables, ce que je comprends mal. Le débat a permis de clarifier un peu les choses, un peu seulement.
Je ne veux pas faire de procès d’intention à Jean-Pierre Llédo, peut-être a-t-il vraiment voulu montrer que les Algériens avaient agi avec la plus abjecte sauvagerie, ce que, je le répète, nous affirmions alors que les beaux esprits, d’un côté et de l’autre de la Méditerranée niaient cette affreuse réalité. De ce point de vue, le film accrédite les multiples ouvrages sur les massacres d’El-Halia, d’Alger, de Constantine et d’Oran et la volonté de nettoyage ethnique du FLN. Ouvrages que nous n’avons jamais pu faire diffuser dans aucun média depuis près de 50 ans (Y compris mes enquêtes : « L’agonie d’Oran »). Le film, sponsorisé par l’Algérie y est d’ailleurs interdit. Mais il est difficile d’imaginer que les spectateurs non avertis, comme l’est notre communauté, feront le distinguo entre ce qui est vrai et ce qui est faux.
Plusieurs personnes nous ont reproché de n’avoir pas fait, nous aussi, un film véridique sans se rendre compte que nous n’avons aucune possibilité de financement ni aucun contact politique disposé à nous aider.
Si Jean-Pierre Llédo en a la possibilité et la volonté, beaucoup d’entre nous sont disposés à témoigner. Mais il faut faire vite. Les témoins meurent autour de nous et les mémoires sont enterrées avec eux. A moins qu’on préfère jouer la montre : Là, nous sommes forcément perdants. Nous avons vu l’évolution de nombreux écrivains peu disposés à nous croire changer complètement d’opinion… Chemin de Damas ? Incurable optimiste…
Geneviève de Ternant le 2 Juillet 2008