CANASTEL
L’origine du nom de Canastel près d’Oran, vient de sa proximité avec le village de Kristel duquel il n’est éloigné que d’une dizaine de kilomètres. Avec le temps est parvenu jusqu’à nous les deux noms: le vrai et sa déformation. Le même nom a été aussi donné à une pointe de terre, nommée Ahmeur Dekenah (pente rouge) ou Cabo Rojo (cap Rouge ou cap Roux), d’autres disaient Cabo rousso. Si bien que l’on trouve dans le prolongement en venant d’Oran, la pointe de Canastel, Kristel, la pointe de l’aiguille, le Cap Ferrat, le cap-Carbon puis près du fort de la pointe, le village d’Arzew qui ferme la boucle à l’Est de cette presqu’île, annonçant les fameuses plages de Damesme, Saint Leu et Port aux Poules. Canastel, un nom évocateur qui sentait bon le jasmin et les effluves iodés de l’air marin vit le jour sur un bras de terre qu’enserre la mer où des constructions à l’architecture chatoyante furent édifiées par des colons français, espagnols, et italiens qui voulaient se ménager un lieu de repos loin d’Oran, de son tumulte et son vacarme.
Un groupe d’entrepreneurs décida un jour de bâtir un lotissement au bord des falaises de Canastel, situé, on le sait, sur la côte, à l’est d’Oran, à côté du fort du même nom. Les terrains à concéder se trouvaient sur un plateau dominant des falaises à pic à une altitude de 200 mètres. Il a été créé au cours de l’année 1930, écrit Eugène Cruck en 1939, par trois de nos concitoyens, MM Rico, Dordé et Soler qui n’hésitèrent pas à immobiliser une petite fortune, là où il n’y avait qu’un plateau couvert de broussailles, et de genêts odorants.
Avec une superficie de trente hectares, les bâtisseurs n’ont pas hésité à prévoir un tiers de la surface soit dix hectares de voies de communication. Les boulevards avaient une largeur prévue de seize mètres et les rues une largeur de douze mètres et devaient être entièrement empierrée. L’alimentation en eau avait été prévue au début des travaux. Ce précieux liquide, choisi parmi les sources les plus saines et les plus appréciées de la région avait été amené sous pression depuis la ferme Chambaret située à trois kilomètre de là.
Les communications avec Oran étaient assurées par une route goudronnée de 6 kilomètres. Le climat de Canastel méritait une mention particulière: sec l’hiver, frais l’été, il devait son caractère favorable à l’altitude des falaises qui en bannissait toute humidité. Le brouillard, aussi bien que le siroco, y était inconnu.
A Canastel, les bouquets de pins parasols existant rajoutés aux nouvelles plantations, assuraient un paradis de fraîcheur pendant les températures caniculaires de l’été. Très rapidement apparaissent dans ce lieu huppé, pour les riches et les nantis, de luxueuses constructions comme Le “Grand hôtel” de 30 chambres dont une façade s’élève à pic à 200 mètres au-dessus de la mer, inauguré en 1925. Il possédait une vaste terrasse d’où l’on pouvait admirer la baie d’Oran. La magnifique vue que l’on avait du haut de son promontoire, et sa proximité de la ville faisait que ce lieu de rêve était très fréquenté par la haute société oranaise, et les notables de passage. La station « Climatérique» recevait les «Hiverneurs» de France et de l’Est algérien. A côté du Casino des Falaises se trouvaient le tennis, les restaurants “la Guinguette”, “Bagatelle” et quelques villas. Le Casino était un endroit réputé......pouvaient-on lire sur les guides Thiolet de 1937.
Un excellent restaurant, de style mauresque, était devenu le rendez-vous des promeneurs et des gourmets. A ce restaurant fut adjoint un hôtel moderne de la Société Rico-Dorde-Soler avec tout le confort contemporain, téléphone et installations dernier cri. La proximité de la montagne des Lions et des escarpements de Kristel permettait l'organisation d’excursions aussi intéressantes que faciles et sans danger.
Les falaises proches étaient d’un excellent attrait pour la communauté Oranaise avide de calme et de tranquillité. Un chemin sécurisé assurait l’accès aux plus petites calanques. Les entrepreneurs de ce lotissement avaient mis à la disposition du public un beau tennis au sol en ciment élastique, des portiques de gymnastique, des balançoires et tous les agrès indispensable à la jeunesse Oranaise. Un garage pouvant contenir cinquante voitures avait été construit et un distributeur automatique d’essence avait été installé sur la place. L’approvisionnement en produits frais était assuré, notamment en pain à raison de deux fournées quotidiennes. Les nouvelles constructions y étaient d’autant plus aisées que la pierre et le sable se trouvaient en abondance sur place, l’usine d’Arcole, toute proche, fournissant la chaux et le ciment.
En 1942, avec le débarquement des armées alliées à Oran, les Américains subjugués par la beauté du site s’y installèrent. Ces derniers, arrivés par voie maritime, débarquèrent au lieu-dit La Farge sur lequel ils construisirent une usine qui allait fournir du ciment à tous les chantiers de la région durant de longues années.
Canastel était très prisé par les adeptes de la chasse et de la pêche. Le gibier constitué de sangliers, de lièvres et de bécasses faisait affluer les amateurs de chasse. On raconte que les parties organisées duraient parfois plus d’une semaine et pouvaient mobiliser tous les habitants de la localité.
Le panorama, qu’on découvrait du bord de la falaise, était splendide et les couchers de soleil y revêtaient un caractère d’une beauté inoubliable. Les pêcheurs à la ligne des quartiers de Gambetta, de Saint -Eugène et des quartiers populaires préféraient les rochers à demi immergés qui longeaient la côte oranaise au pied des falaises de Canastel et plus près de la Cueva del Agua (la cova lagua), pour la variété de leurs poissons. Encore que, la déverse des égouts de la ville attirait une variété particulière de poissons; les mulets. Les plus débrouillards pêchaient au loin en barques «faites-maison» : les Botes à ventre arrondi ou les Pasteras à fond plat.

1962 Doc Danièle Lopez






















