JE ME SOUVIENS
Sur la chanson La rivière de notre enfance" interprétée par Garou et Michel Sardou, parodie dont les paroles se rapportent à notre jeunesse et résume très bien le vent qui soufflait le chaud de l’insouciance et le froid de l’effroi.
Seule une jeunesse évoluant dans la guerre connaît la vie comme nous l’avons ressenti, balancée entre la menace omniprésente dans notre dos et la joie de vivre.
Conclusion, certes triste mais qui reflète a jamais nos états d’âmes. C’était notre jeunesse.
JE ME SOUVIENS
Je me souviens d'Oran.
Je me souviens très bien
De ses boulevards grouillant
D'une foule pleine d'entrain.
Je me souviens des cris,
Je me souviens des pleurs
De ces enfants meurtris,
Figés par la terreur.
Je me souviens des jours
Je me souviens des soirs
Des harangues, des discours
À la place des Victoires.
Je me souviens des gens
Je me souviens de tout
Nous étions mécontents,
Furieux, pleins de dégout.
C'est du sang pieds-noirs qui coule dans mes veines,
Et ma colère frise la démence.
J'ai de la rancœur de voir tant de haine,
De vilenie sur nos souffrances.
Je me souviens des drames,
Je me souviens des crimes,
Toutes ces fermes en flammes,
Ces horreurs que nous vîmes.
Je me souviens des fells,
Je me souviens des hordes,
Ces sanguinaires rebelles,
Hommes de sac et de corde.
Je me souviens des rosses,
Je me souviens des lâches,
Ces barbouzes, ces molosses,
Nous traquant sans relâche.
Je me souviens des braves,
Je souviens des preux,
Ce n'étaient pas des caves,
Nos guerriers valeureux.
C'est du sang pieds-noirs qui coule dans mes veines.
Quand je pense à notre résistance,
Je maudis la terrible répression gaullienne.
Mon exécration est intense.
Je me souviens des plages,
Je me souviens des dunes,
De nos amours bien sages
Sans malveillance aucune.
Je me souviens des ports,
Je souviens des phares,
Des barques et des hors-bords,
De nos retours en car.
Je me souviens des champs,
Je me souviens des feux
De joie pour la Saint-Jean.
Nous étions si heureux.
Je me souviens des filles
Dansant le houla-hop,
Les garçons, joyeux drilles,
Préférant le be-bop.
C'est du sang pieds-noirs qui coule dans mes veines.
Quand je me rappelle mon enfance,
Me voilà pris par une nostalgie soudaine
Qui génère une tristesse immense.
Jean-Paul Ruiz